L’hommage de Jean-Pierre à l’église
Ste Geneviève des Bressis

Salut l’ami Antoine                                   

A Annecy, tu es surtout connu comme l’incontournable boucher charcutier de la vieille ville, après avoir su développer et faire prospérer le commerce familial. Mais ta vocation était toute autre. Tu es musicien, compositeur, et cela ne t’a jamais quitté.

Tu as commencé, m’as-tu confié, en étant co-fondateur du trio Jame’s, où tu jouais de l’harmonica d’accompagnement. Puis tu es passé à la contrebasse, instrument avec lequel tu as accompagné de grands noms de la chanson française. Bécaud, Trénet, Djando Reinhart entre autres.

A cette époque ton avenir professionnel était tout tracé : La musique, rien que la musique.

Et puis est venu le temps du service militaire, et tu es parti à la guerre en Algérie. Et c’est en Algérie que tu es devenu sourd. Dès lors, drame personnel bien compréhensible, finie pour toi la musique en tant que professionnel.

C’est à cette époque que tu t’es formé pour poursuivre le commerce familial. Finie la musique ? : Non ce n’est pas tout à fait vrai, car même à la boucherie, tu as toujours eu plein de musique dans la tête, et très souvent tu chantonnais.

A cette époque tu composes des musiques, notamment pour l’annécien Gérard Entremont, mais aussi pour l’agence Breton, une agence parisienne d’éditions musicales, dans laquelle tu déposes tes musiques, qui sont mises à disposition de compositeurs attitrés des grandes stars de la chanson française.

Je ne peux pas citer les titres que tu as composé ; ces musiques ayant été vendues, elles ne t’appartiennent plus. Mais dans la confidence, tu m’as avoué à l’écoute de telle ou telle mélodie sur les ondes ou à la télé : ça, je connais très bien ! et quand je te demande si c’est toi qui l’as écrite, tu ne l’as jamais avoué, mais tu ne l’as jamais démenti.

Mais on pense tous qu’en écoutant entre autres Gilbert Bécaud, Pascal Danel ou notre Johnny national, tu devais penser que bien avant eux tu avais connu les airs de certaines de leurs chansons. Combien de stars de la chanson françaises, et non des moindres, n’ont jamais su qu’elles chantaient ta musique.

Puis petit à petit, l’inspiration s’est un peu tarie m’as-tu dit.

C’est dans les années 70 que je t’ai connu. Je faisais partie alors d’un groupe, Chorus 2000, dont le directeur était l’abbé Louis Charmot. Et un beau jour, te voilà en répétition avec nous, et oh miracle, c’est toi qui me l’as dit, l’inspiration est revenue, et tu t’es remis à composer des musiques pour nous. Rappelle-toi, nous avons même, enregistré à Paris un 45 tours. Quelle magnifique expérience pour nous ce 11 novembre 1975 dans les studios SM à Paris!

Pendant les années qui ont suivies, tu n’as cessé de composer pour nous. Et un jour, ce groupe d’animation liturgique s’est arrêté.

Quelques années plus tard tu me rejoins, au sein d’un chœur d’hommes. Cela t’a donné l’occasion de mettre en pratique les cours d’harmonisation que tu venais de suivre au conservatoire d’Annecy. Et tous les deux, mais toi avant tout, nous avons réalisé des arrangements, des harmonisations et des créations originales de chansons chantées par ce chœur. Moi, comme tu me le disais, j’étais tes oreilles !  Et ça m’allait bien… On se comprenait bien, presque à demi-mot, je dirai même à demi note !

Puis un jour on s’est dit : et si on écrivait une messe ! Et c’est grâce à toi que le chœur d’homme « des hommes et des voix » ici présent a été créé.

Au départ, il y a 12 ans, ce chœur a été créé pour chanter uniquement la messe que nous venions d’écrire, une seule fois, à l’église Notre Dame de Liesse d’Annecy, à l’occasion du 50ème anniversaire de l’association des anciens combattants d’AFN, association dont tu fais partie. Et voilà, 12 ans après, ce chœur d’homme existe toujours. Tu crées des musiques, en arranges et harmonises d’autres existantes, et maintenant Jean Luc a pris la relève et Sylvie continue à nous diriger.

Nous ne comptons pas les centaines d’heures de composition que nous avons passés tous les deux, chez vous à Annecy ou chez nous à Chavanod, devant un ordinateur, à mettre en partitions les idées de musiques qui germaient de ton esprit.  Faut dire que ce n’est pas simple d’harmoniser à 4 voix hommes,

Ces dernières années tu avais un immense plaisir de jouer à l’harmonica, l’Ave Maria de Gounod, lors de nos concerts, et nous, le chœur on t’accompagnait bouche fermée. Les nombreux applaudissements du public te remerciaient de ton interprétation très inédite.

Mais la maladie depuis quelques années est venue grignoter ta santé. Cependant tu continues à créer, c’est vital pour toi, et tu as toujours plein d’idées pour notre chœur. Tes médecins te l’ont dit, il faut continuer la musique, c’est le meilleur des médicaments pour combattre ta maladie !

Tes connaissances musicales sont très étendues et tu as même écrit une comédie musicale pour une troupe Suisse il y a 2, 3 ans je crois.

Jusqu’au printemps dernier nous avons continué ensemble à « faire de la musique », même si la communication devenait de plus en plus difficile. Et je sais que même à l’éphad à Saint Chaptes dans le Gard, tu inventais des nouvelles mélodies et tu avais toujours des idées pour notre chœur.

Voilà brièvement pour ce que je sais du compositeur que tu es, ce merveilleux mélodiste que certains découvrent peut-être aujourd’hui.

Et en ton honneur et pour te remercier de tes musiques, le chœur d’homme « des Hommes et des Voix » tous vêtus de la chemise de concert que tu aimes porter fièrement à chaque occasion, va chanter, pour toi, comme tu me l’as demandé, 3 des chants que tu as composés et que tu as toi-même choisi pour cette cérémonie d’au revoir qui te rend hommage.

Il y aura « La liberté », mais aussi le « Notre père » et « l’Ave Maria » de la messe que tu as composée. J’ai tenu à ce que ce soit cet Ave Maria qui soit chanté car les paroles ne disent pas « à l’heure de notre mort » mais « à l’heure de notre renaissance » car tu n’es pas mort Antoine, tu es en train de renaître, afin d’être pour l’éternité, tous là-haut, au Paradis des hommes de valeur et des musiciens.

A la sortie de cette cérémonie, on entendra une autre de tes mélodies, chantée par une manécanterie, « les petits chanteurs de Lyon ».

Mais pour être complet, je voudrai aussi parler de l’homme que nous tous avons eu le plaisir et l’honneur de rencontrer un jour. Un homme animé par une foi profonde. Le guide de ta vie sont les Evangiles. Et, tu me l’as dit souvent, tu y as toujours trouvé les réponses à tes questionnements ou tes problèmes. Humble, simple, discret, d’humeur toujours égale, modeste, généreux, toujours à l’écoute et de bons conseils, ton engagement au Lions club en est la preuve, voilà me semble-t-il ce qui te caractérise.

Je ne peux pas terminer cet hommage sans parler de Sainte Eulalie, ce petit village caché dans les vignes de la garrigue où Mireille et toi aviez une maison que tu aimais tant. Je ne parlerai de l’étonnante histoire qui aboutit à la transformation d’une grange en très une belle maison traditionnelle du pays. Cette métamorphose est digne de toi et à ton image.

Ce que Mireille et toi avez souhaité, c’est que cette maison vive et accueille des amis, vos amis.  Nous y sommes allés, plusieurs fois, avec ma famille, mais aussi avec plusieurs groupes de musique. Nous répétions dans le garage. Les bouchers de la région annécienne se sont aussi retrouvés dans ce village, à votre invitation.

Ce qui est remarquable, c’est d’avoir fait découvrir aux Annéciens ce petit coin de garrigues, et, le charme de ce village opérant, plusieurs d’entre eux se sont établis à Sainte Eulalie.

Voilà Antoine, je pourrais continuer longuement à raconter nos histoires de musique depuis plus de 50 ans que je te côtoie.

Sache que je suis très fier, nous sommes très fiers d’avoir été choisi par toi comme amis.

Je suis très fier, nous sommes très fiers que tu sois notre ami. Et pour terminer, et en te disant merci, je vais énoncer une strophe d’une chanson dont tu as écrit la musique en 1976 : Un jour la Vie jaillira ! Quand l’aube enfin blanchira !

Nous te disons salut l’artiste, et avec un grand respect je pense que des applaudissements venant du cœur, vont réconforter ta famille et ses amis